ARTISTE
GRENOBLOISE
« PUISQUE LE MONDE N’A ABSOLUMENT AUCUN SENS, POURQUOI NE PAS EN INVENTER UN? »
Alice au Pays des Merveilles – Lewis Caroll
Interview
La peinture ! … Tout une aventure, en effet : sortir tout son attirail, trouver un moment dans son emploi du temps, éviter de se crépir les manches de couleurs, ne pas renverser le pot d’eau etc… bref, vous l’aurez deviné, pour moi c’était vite le chantier. Saupoudrez le tout d’une pointe de « soit parfait » et vous avez tiré le gros lot pour vivre un moment pas tout à fait détente, mais sans nul doute, haut en couleur. (Bordélique mais méticuleuse !)
Pendant longtemps, j’ai essayé de reproduire des tableaux ou images que je trouvais sympas, même si une petite voix me rabâchait : « t’façon, ça s’ra moins bien que l’original ! »…
Un jour, j’étais très énervée, mille émotions se mélangeaient dans ma tête, beaucoup de questions aussi. Alors j’ai pris trois feutres Posca retrouvés au fond d’un vieux tiroir, et j’ai tracée des lignes, comme ça, sans vouloir reproduire quoi que ce soit, juste en laissant sortir ces sentiments, toute cette confusion. Pour la première fois, je m’autorisais à faire n’importe quoi.
Etonnamment, c’était plutôt agréable. Il y avait dans l’air comme une brise de liberté mêlée à un certain soulagement.
Une fois fini, j’ai regardée le dessin, apaisée, entendant la petite voix : »il ressemble vraiment à rien ce portrait ! ». Je souris, renfourna feutres et craquage gribouillique au fond du tiroir (ne pouvant me résigner à le jeter tout de suite)!
Une histoire d’un soir, oui, on peut dire ça comme ça! Pour moi c’était juste un moment, pas de quoi en faire tout un fromage. Et puis, il faut dire ce qui est: se poser, s’arrêter pour peindre, c’était déjà pas franchement évident. Je trouvais toujours quelque chose de plus urgent et stimulant à faire. Mais s’arrêter et se lancer sans model, comme ça, à la volée ? Ca, ça avait quelque chose de flippant.
Mais la vie étant pleine d’émotions, petit à petit, je me suis autorisée quelques libertés et ai rouvert le fameux tiroir.
Si vous entendez par « style » quelque chose qui vous est propre, oui je pense.
J’aime créer ces univers. J’ai tendance à penser que ce monde n’a aucun sens, a part peut-être celui que vous lui donnez. Et malgré tout, nous sommes chaque jour amenés à faire des choix. Choisir entre différentes options.
Il y a quelque chose de magique dans la peinture qui tient à vous laisser le droit d’inventer et de multiplier les possibles.
Dans ces mondes, une poule peut aussi être un bonhomme, et un poisson une tortue… tout peut exister en même temps. Je trouve ça fantastique !
Mais même s’il y a beaucoup de moi dans mes tableaux, paradoxalement, l’idée est qu’il y ait aussi beaucoup de vous.
Je suggère, imagine des histoires, mais tout le monde ne verra pas la même chose, ou pas au même moment. Vous vous représenterez certainement quelque chose de différent de votre voisin. En fait, j’ai découvert récemment que je jouais avec un phénomène qu’on appelle la pareidolie. C’est typiquement ce qui se passe quand vous voyez qu’un nuage ressemble à une grenouille. Le cerveau nous fait voir des choses familières à partir de formes abstraites, on interprète. C’est fabuleux cette capacité à donner du sens là où il n’y en a pas réellement. Peut-être parce que la nature a horreur du vide ?!
Regarder, percevoir, c’est un petit peu créer aussi…
LA PARÉIDOLIE VOUS AIDE À TRANSMETTRE UN MESSAGE?
Ce que j’aime dans ce phénomène, c’est l’ouverture d’esprit qu’il propose. C’est apprendre à voir autrement, jouer, partager son point de vue. L’oeuvre devient une création ludique, un support de communication prônant la diversité, la tolérance, stimulant l’imaginaire et le plaisir.